Membre de l'association SciencesCurls de Science Po

SciencesCurls, l’association de Science Po qui fait parler d’elle

Bonjour Réjane ! Peux-tu nous en dire un peu plus sur SciencesCurls ?

SciencesCurls est une association dédiée à la valorisation du cheveu texturé souvent dénigré et discriminé. Nous sommes 4 étudiants, amis depuis notre entrée à SciencesPo, à l’origine de sa formation: Kemi (Vice-présidente), Loubna (Community Manager), Franck (Responsable Partenariat) et moi-même, Réjane (Présidente).

 

Pourquoi avez-vous souhaité créer cette association ?

Nous nous sommes rendus compte de l’évolution du rapport des élèves à leurs cheveux au cours de ces 4 dernières années. Nous sommes maintenant en dernière année mais à notre arrivée à SciencesPo, peu de personne portait leurs cheveux texturés tels quels. Aujourd’hui, beaucoup les assument en afro ou autre coiffure.

Presque aucune personne aux cheveux texturés ne les portait naturels alors qu’aujourd’hui nous sommes plusieurs à porter un afro !

 

Science Po est l’école du débat, il n’y avait pas de raison que ce sujet n’y soit pas débattu !

 

 

Nous avons alors pensé que c’était le moment de rassembler toutes ces personnes sur un même espace pour créer du discours et échanger sur la façon dont ils vivent leur cheveu et sur l’évolution du regard qu’ils portent sur ce dernier. Science Po est l’école du débat, il n’y avait pas de raison que ce sujet n’y soit pas débattu !

 

Photo des élèves de l'association SciencesCurls, association dédiée aux cheveux bouclés, frisés et crépus devant leur école Science Po

 

On en véhicule une image un peu mythique, élitiste avec une population blanche et bourgeoise… mais ce n’est pas ma réalité ! Il y a aussi nous, les SciencesCurls !

 

Quel est votre but à travers ce positionnement ?

Nous souhaitons créer du contenu valorisable pour les étudiants mais également offrir une vitrine différente à notre école. Quand j’entends parler de Science Po dans les médias, je ne reconnais pas forcément mon quotidien dans cette école. On en véhicule une image un peu mythique, élitiste avec une population blanche et bourgeoise… mais ce n’est pas ma réalité ! Il y a aussi nous, les SciencesCurls !

 

C’est une manière pour nous de dire merci à cette école qui nous a fait confiance, qui nous a donné des outils pour nous aimer nous-mêmes et être nous-mêmes de façon assumée.

 

Science Po est une école très diverse et SciencesCurls peut lui permettre de véhiculer une autre image auprès de personnes qui ne pensent pas y avoir leur place. On veut leur dire : « Science Po est aussi pour toi ! Tu es le bienvenu exactement comme tu es ! » C’est une manière pour nous de dire merci à cette école qui nous a fait confiance, qui nous a donné des outils pour nous aimer nous-mêmes et être nous-mêmes de façon assumée.

 

La communauté afro a une grande connaissance du cheveu texturé et a vocation à apprendre aux autres communautés. Trop souvent, les savoirs dits « universels » ne semblent pouvoir venir que de la communauté blanche mais nous voulons montrer que l’échange peut exister dans d’autres sens !

 
Quelles sont vos activités ?

Nous organisons nos activités autour de 4 piliers :

 

  • L’engagement/activisme : donner des outils esthétiques pour que les hommes et les femmes se réapproprient leur beauté et ne soient pas dominés par leur cheveu.
  • Sisterhood : déconstruire les clichés du cheveu texturé en formant une communauté. On veut créer de rencontres, du dialogue pour faire avancer les choses.
  • Une dynamique « By us for everyone » : la communauté afro a une grande connaissance du cheveu texturé et a vocation à apprendre aux autres communautés. Trop souvent, les savoirs dits « universels » ne semblent pouvoir venir que de la communauté blanche mais nous voulons montrer que l’échange peut exister dans d’autres sens ! Des personnes blanches aux cheveux texturés n’ont pas forcément conscience qu’elles sont discriminées à cause d’un cheveu, et qu’elles peuvent dire stop ! Nous avons des choses à leur apprendre en leur montrant que c’est plus qu’une histoire de cheveu.
  • « All textures are beautiful » : nous souhaitons mettre fin aux fausses hiérarchies, ou aux rivalités injustifiées et vaines qui peuvent exister entre les différentes textures ou « curl types » à l’intérieur mêmes des cheveux « bouclés ». Il y a ce qui serait une belle boucle bien ronde et définie d’un côté, et de l’autre, le cheveu crépu moins valorisé. Alors qu’en réalité toutes ces textures ont non seulement beaucoup plus en commun qu’elles ne le pensent mais en plus elles sont belles et méritent toutes d’être mises en valeurs. De plus, face aux discriminations, tous ces débats deviennent assez vite dérisoires. Nous parlons à tous les types de boucles, de la plus resserrée à la plus grosse.

Nous souhaitons mettre fin aux fausses hiérarchies, ou aux rivalités injustifiées et vaines qui peuvent exister entre les différentes textures ou « curl types » à l’intérieur mêmes des cheveux « bouclés ».

Evènement organisé par les étudiants de Sciences Curls, l'association dédiée aux cheveux bouclés, frisés et crépus au sein de Science Po

Pour le moment, nous avons organisé une première conférence de lancement en Novembre 2016 sur le thème « Big Hair don’t care, quand le cheveu devient politique » avec comme intervenantes Clarisse Libene, Aude Livoreil-Djampou et Juliette Smeralda. D’ailleurs, toutes nos conférences sont ouvertes au public !

Nous avons aussi un projet digital déjà en place appelé « Curls Of Science Po » : chaque jeudi, nous publions le portrait d’un élève de Science Po aux cheveux texturés. L’idée est de faire du « story sharing » : partager l’histoire de quelqu’un pour délier des langues et permettre à d’autres personnes ayant vécu la même expérience de réaliser qu’il y a un réel sujet, qu’on peut en parler et faire bouger les choses.

Sur le 2e semestre, nous prévoyons des interventions de blogueuses et l’organisation d’une exposition avec des artistes qui portent un regard différent sur le cheveu texturé.

 

De plus en plus d’hommes s’y intéressent car ils vivent comme un diktat leurs cheveux toujours coupé ras, ce qui est très propre au cheveu texturé.

 

Nous aimerions aussi organiser des rencontres autour de la beauté masculine pour souligner que le cheveu texturé n’est pas qu’une problématique de femme. De plus en plus d’hommes s’y intéressent car ils vivent comme un diktat leurs cheveux toujours coupé ras, ce qui est très propre au cheveu texturé.

 

Il y a aussi la question du regard des hommes sur les cheveux des femmes. On peut constater dans la communauté afro, un regard très violent des hommes sur le cheveu texturé : que ce soit tissage, lissage, naturel ou autre, il y a toujours un problème ! Ce regard peut être vecteur d’oppression et de désamour pour les femmes et doit être traité comme un sujet à part entière.

 

Tu dis que tes amis et toi êtes « entré à Sciences Po avec des textures de cheveux différentes de celles qu’on a maintenant ! »  Pourquoi cette évolution selon toi ces dernières années ?

En 1ere / 2eme année, peu de personnes portaient leurs cheveux naturels. Lorsque nous sommes rentrés d’échange Erasmus en 4e année, en 2015, beaucoup de filles avaient changé de tête et portaient leur cheveu texturé.

 

On est passé d’une mode à une vraie tendance de fond

 

Je pense que les 5 dernières années ont été déterminantes. On est passé d’une mode à une vraie tendance de fond. Une imagerie s’est développée autour du glamour du cheveu crépu. Avant quand Angela Davis portait son afro, c’était plus ou moins uniquement politique. Aujourd’hui, quand Solange Knowles porte un afro, c’est juste joli. Passer au naturel aujourd’hui n’est pas forcément toujours une revendication politique, ça peut aussi juste être une envie de se réapproprier sa beauté naturelle.

 

Et depuis la création de votre association, avez-vous ressenti une évolution dans les mentalités autour de vous ? Comment le projet a été accueilli ?

Le projet a été bien accueilli au sein de SciencesPo. Nous nous sommes surtout rendus compte que cheveu texturé était compris bien au-delà ce qu’on avait imaginé. On pensait être seulement assimilés à « Nappy » et en réalité, beaucoup de filles et de garçons non-racisés se sont senties concernés par le sujet.

Par « racisée », j’entends toute personne non-blanche, en ayant conscience que la construction du mot est nulle. Chez SciencesCurls, nous utilisons des termes choisis qui nous permettent de dénoncer des réalités d’un système. Dans ce système, être blanc signifie être dans la norme et ne pas avoir de race, tandis que toute personne non-blanche a une race par opposition. Le terme en soi est dérangeant mais en ne n’utilisant plus ce mot, on ne peut plus dénoncer ce qui dérange.

 

Nous avons aussi eu quelques commentaires négatifs, qui nous ont permis de bien définir le projet. Une étudiante de Science Po a un jour commenté sur les réseaux sociaux : « Je ne comprends pas du tout votre projet, Science Po n’est pas un CAP coiffure ». Ce fut l’opportunité de redéfinir que SciencesCurls n’est pas une association de coiffure, mais également de nous poser la question : « Pourquoi veut-on juger le sujet de SciencesCurls ? » Les sujets du tissu associatif de SciencesPo sont si variés, que celui de SciencesCurls quelqu’il soit aurait du avoir sa place ! La réalité est qu’en tant que femmes racisées, nous devons toujours être davantage dans l’intellectualisation de notre discours pour être prises au sérieux.

 

La réalité est qu’en tant que femmes racisées, nous devons toujours être davantage dans l’intellectualisation de notre discours pour être prises au sérieux.

 

Nous avons retrouvé ce type de remarques suite à la publication d’un article dans Afropunk. Une personne a écrit en commentaire : « Si jamais j’envoyais ma fille à Science Po et qu’elle revenait en disant qu’elle faisait une association de cheveux, je la giflerais jusqu’à ce qu’elle devienne sourde ». Déjà c’est extrêmement violent et ensuite, ça nous a prouvé que nous avions raison d’exister si ce sujet dérange autant ! Les commentaires négatifs sont au final plus intéressants car ils relancent le débat et créent de la discussion.

 


Retrouvez l’actualité des Sciences Curls sur leur page Facebook, leur compte Instagram et leur compte twitter !

Et surtout, n’hésitez surtout pas à aller à leur prochain évènement !

2 réflexions sur “SciencesCurls, l’association de Science Po qui fait parler d’elle”

  1. Le travail de ces femmes est incroyable. Ca fait tellement plaisir de voir toutes ces initiatives émergées. A travers les différentes remarques comme le CAP coiffure ou la violence de certains commentaires on voit qu’il y a encore du chemin à parcourir même si celui-ci a déjà était déblayé par énormément de personnes. Dans tous les cas, nous espérons que l’association prospérera après leur dernière année d’études… 🙂

  2. Bonjour bravo pour votre engagement sur nos cheveux qui ne sont pas plus dégueu que des cheveux de blanc. Moi je suis métisse et j ai des cheveux crépus et très boucles et à preuve du contraire j ai été très choqué de la remarque lors d un entretien à l embauche pour un poste d auxiliaire de vie. Choqué très choqué car la remarque venait d une personne métisse mais bien sûre elle avait un dégraissage impeccable. Bref la bêtise ne viens pas forcément des blancs. Moi en tant que métisse franco sénégalaise avec un profil plutôt maghrébine les remarques les jugements les insultes malheureusement fusent aussi bien des blancs que et surtout des blacks. Sinon concernant mes cheveux je ne peut pas dire cela soit un problème. Par contre je conseille ames filles qui sont de vrais blacks d abandonner les faux cheveux, tissage,tresses…
    Peine perdu je trouve dommage de mettre autant d argent pour ressembler aux blancs. Ils faut s accepter et se faire accepter. (Les chinois ne se debrident pas les yeux et ont les respect ) à quand le respect à l Afrique et ses beautés naturels

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